Au Ministère de la Justice avec J-J. Uvoas, Ministre de la Justice et Danielle Bousquet, présidente du HCEfh |
Une journée
de sensibilisation et d'engagement en faveur de l'égalité femmes.hommes s'est tenue ce 8 mars 2016 au Ministère de la Justice.
A cette occasion, en tant que
membre associée du Haut Conseil à l’Égalité et rapporteure du Guide pratique de la
communication sans stéréotype de sexe, le garde des Sceaux et Ministre de
la Justice, Jean-Jacques Urvoas, m'a invitée à présenter ce travail.
Une
convention d'engagement du guide pratique a été signée par le Ministre et Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l'égalité entre les
femmes et les hommes. Cette signature fait de la Chancellerie, le premier
ministère signataire de cette convention.
A cette occasion, plus de 40 femmes ayant des parcours professionnels emblématiques dans les domaines de la
justice et du droit étaient présentes : magistrates, bâtonnières, présidentes de DGI, avocates, procureures...
Monsieur Le Ministre,
Madame la
Présidente du Haut Conseil à l’Égalité femmes.hommes,
Madame la Haute
fonctionnaire à l’égalité, Inspectrice Générale Adjointe
Mesdames,
Messieurs,
C’est avec un
plaisir particulier que je m’adresse à vous en ce 8 mars : Journée
internationale des droits des femmes. Je tiens avant tout à vous remercier,
Monsieur le Ministre, de votre invitation. En inscrivant la signature de la
convention pour une communication publique non-stéréotypée, à l’ordre du jour
de votre Ministère, vous devenez le premier Ministère à vous engager en ce
sens.
Il y a quelques
instants, avec Mme Lebon-Blanchard, nous participions à l’installation par le
Président de la République du Haut Conseil à l’Égalité femmes.hommes dans sa
deuxième version. Le jour même, le Ministère de la Justice, à votre initiative,
engage cette convention. Nous ne sommes plus seulement dans le symbole du 8
mars, cet acte traduit un véritable engagement.
Un engagement à
plusieurs niveaux avec ce guide.
Ce guide fait
suite à une saisine du Ministère des Droits Des Femmes et au rapport du Haut
Conseil à l’Égalité femmes.hommes sur « la lutte contre les stéréotypes de
sexe ». Il est le résultat de nombreuses auditions, rencontres et
recherches documentées, en France comme à l'étranger. Il a été élaboré par des
chercheurs linguistes, des expertes, des élu.e.s et des associations d’élu.e.s,
des praticien.ne.s des collectivités, des associations et organisations
syndicales.
Pourquoi
aujourd’hui venir réinterroger le langage et les images en considérant qu’ils
sont vecteurs de lourds stéréotypes sexistes ? Sur le front des droits des
femmes on pourrait penser qu’il existe des questions plus prioritaires, comme
le plafond de verre, l’égalité de salaire ou encore la lutte contre les
violences.
La langue est
politique. Elle est le reflet de notre société, de nos choix. Elle traduit nos
valeurs, ce que nous sommes et ce que nous voulons être. Elle illustre notre
vivre-ensemble. Une langue qui rend invisible les femmes serait la traduction
d’une société où les femmes seraient secondaires. Rendre visibles les femmes
dans la langue en usant de nouveau du féminin pour nommer notre quotidien,
c’est le sens de ce Guide pour une communication non stéréotypée. Il vient
interroger les stéréotypes de sexe persistants.
Je voudrais
d’emblée rappeler que ce guide n’est pas un prêt-à-penser, mais constitue une
démarche à part entière afin de tendre vers l’égalité. La mise en œuvre des 10
engagements relève d’une démarche, de débats, d’une appropriation par votre
Ministère au rythme que vous déciderez. J’ai appris que 9 engagements parmi les
10 allaient de soi. Si l’un d’entre eux fait débat, ceci est tout à fait
normal. Notre langue est le produit d’une histoire et d’habitudes, les
déconstruire nécessite un effort commun.
Pourquoi nommer
les noms de métiers, titres grades et fonctions en lien avec le sexe des
personnes qui les occupent ?
Cela a été le
cas durant de nombreux siècles. Depuis le Moyen-Age et jusqu’au 17eme siècle,
l’usage du féminin dans le vocabulaire comme dans la grammaire a été la norme.
On disait le médecin.la médecine ; le Préfet.la Préfète, le charpentier.la charpentière, … En proposant de retrouver l’usage du féminin on ne change
pas la langue, on n’invente pas de nouveaux mots, on propose d’utiliser des
termes déjà existants dans la langue française. Dire Mme la Magistrate, Mme la
Procureure, mon avocate, Mme la Bâtonnière,… revient à s’exprimer en français.
Puis au 17ème,
un membre de l’Académie Française Claude Favre de Vaugelas déclare que le
masculin doit l’emporter sur le féminin, au motif que le « masculin est
plus noble que le féminin ». Suivi un siècle plus tard par un professeur,
M. Beauzée, qui précise « le genre masculin est réputé plus noble que le
féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle ». Puis en 1882, l’État tranche en faveur du masculin lorsqu’il rend l’instruction publique
obligatoire. C’est alors que des mots disparaissent, notamment des noms de
métiers au féminin, surtout dans les fonctions prestigieuses. Médecine
disparait mais pas pâtissière, ménagère, lingère, ou cuisinière…
La langue est
donc le résultat d’un choix politique, d’une volonté politique qui correspond à
une époque où les femmes devaient être invisibles. Utiliser ces féminins permet
de rendre visible les femmes, de rappeler qu’elles peuvent occuper aujourd’hui
l’ensemble des métiers, qu’elles ont investi les lieux de pouvoir dits
« réservés aux hommes ».
C’est le sens
également de la recommandation du guide de supprimer un certain nombre
d’expressions telles que mademoiselle, nom de jeune fille, nom patronymique,
nom d’épouse et d’époux, « en bon père de famille ». D’abord parce qu’une
circulaire de 2012 a déjà banni du droit cet usage dans les formulaires et
correspondances des administrations. Pour ne reprendre que le terme de nom de
jeune fille, il a été introduit à une époque où les filles devaient demander
l’autorisation de leur père pour se marier.
Le Guide propose
d’autres usages pour rendre visibles les femmes dans la langue française,
utiliser l’ordre alphabétique des mots pour nommer le masculin et le féminin,
présenter intégralement l’identité des femmes et des hommes avec leurs noms et
prénoms, … et former les professionnel.le.s à cet usage du féminin dans la langue.
Ne peut que vous y encourager.
Les mots ont un
sens. Ils sont le reflet de nos représentations, ils véhiculent les
stéréotypes, ils entretiennent les inégalités. Nommer les femmes, les rendre
visibles dans la sphère publique comme privée ne relève pas de l’anecdote.
C’est le cœur même de l’enjeu d’égalité de droits entre les femmes et les
hommes. C’est de même nature que la lutte contre les violences à l’encontre des
femmes. Dans les processus de violences psychologiques, physiques et sexuelles,
les mots jouent un rôle. Ils peuvent être violents. La première violence est de
nier les femmes, de les rendre invisibles.
Se nommer au
féminin, exister aux yeux de tous, c’est refuser une société où les femmes
auraient un second rôle. Nous ne sommes pas des secondes, nous sommes des
égales. Usons du féminin.
Enfin, Monsieur le Ministre, je ne pourrais conclure sans évoquer une femme de Bretagne. Dans quelques heures, lorsque je serai rentrée en Bretagne, dans notre Finistère, à Brest, je vais participer à l’inauguration d’une exposition, dans le cadre du 8 mars, qui est consacrée à une figure brestoise, Nathalie Lemel, une féministe, communarde, compagne de Louise Michel. Actuellement une bande dessinée retrace son histoire de femme engagée à l’époque de La Commune. Je voudrais vous livrer une expression de sa compagnonne de route, Louise Michel qui à l’occasion d’une plaidoirie avait déclaré : « Sans l’autorité d’un seul, il y aurait la lumière, il y aurait la vérité, il y aurait la justice. L’autorité d’un seul, c’est un crime. » Je vous laisse à cette méditation.
Enfin, Monsieur le Ministre, je ne pourrais conclure sans évoquer une femme de Bretagne. Dans quelques heures, lorsque je serai rentrée en Bretagne, dans notre Finistère, à Brest, je vais participer à l’inauguration d’une exposition, dans le cadre du 8 mars, qui est consacrée à une figure brestoise, Nathalie Lemel, une féministe, communarde, compagne de Louise Michel. Actuellement une bande dessinée retrace son histoire de femme engagée à l’époque de La Commune. Je voudrais vous livrer une expression de sa compagnonne de route, Louise Michel qui à l’occasion d’une plaidoirie avait déclaré : « Sans l’autorité d’un seul, il y aurait la lumière, il y aurait la vérité, il y aurait la justice. L’autorité d’un seul, c’est un crime. » Je vous laisse à cette méditation.
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