A l'occasion de la délégation du Conseil
régional de Bretagne, je me suis rendue en Région Centre du Burkina Faso du 20
au 25 avril
Burkina Faso : "Le pays des hommes intègres"
Ouagadougou, la capitale du pays et de la Région Centre |
Le Conseil Régional de Bretagne développe une
coopération décentralisée avec une collectivité africaine, le Conseil Régional
du Centre du Burkina Faso. La coopération porte sur l'ensemble des compétences
de nos deux collectivités. A ce stade, elle s'est essentiellement engagée
autour d'un projet de maraîchage bio durable et économiquement viable à
Ouagadougou, capitale du pays, et dans six autres communes de la Région Centre.
Le programme touche aujourd'hui 9 coopératives et plus de 600 producteurs et
productrices.
Forough SALAMI, vice-présidente de la Région Bretagne
chargée de l'international, a conduit une délégation associant Michel MORIN,
vice-président à l'agriculture et à l'agro-alimentaire et moi-même,
vice-présidente à l'égalité des droits entre les femmes et les hommes et à
l'innovation sociale. L'administration était représentée par Pierre-Yves LE
CHAT, chef du service des coopérations Nord-Sud de la Région.
La Région Centre, au cœur du Burkina Faso |
Un contexte politique instable depuis la révolution de 2014
La révolution populaire de novembre 2014 au Burkina
Faso entraîne l'éviction du Président de la République Blaise COMPAORE,
candidat à sa propre succession. Depuis lors, un régime de transition est
instauré, à sa tête : Christian KAFANDO, sous le titre de Président de
transition. Cette situation perdurera jusqu'aux prochaines élections
présidentielles et législatives prévues en octobre 2015, suivies des élections
régionales et communales en janvier 2016.
Les élus en place, présidents de Région, maires des
communes, ont quasiment tous été mis en congé de leur fonction. Une loi vient
d'être adoptée pour interdire aux élus ayant témoigné trop fortement leur
soutien public à Blaise COMPAORE de se représenter aux prochaines élections.
Cette situation temporaire ne contribue pas à la clarification des rôles et
missions de chacun, même si, les Conseils régionaux et les communes sont
actuellement dirigés par les gouverneurs. Notre délégation a ainsi été
accueillie par Joachim SOMDA, Gouverneur de la Région Centre et actuel
Président du Conseil régional du Centre par délégation.
Rencontre avec des commerçant·e·s et producteurs/productrices au Conseil Régional
du Centre (CRC)
Commerçant·e·s, producteurs et productrices |
Les commerçant·e·s, qui sont essentiellement des
femmes, soulignent que le travail s'est amélioré avec le projet du CRC. Mais la
production est insuffisante pour satisfaire la demande.
Producteurs de la Région Centre, réunis au Conseil |
Les producteurs
et productrices abordent le problème de l'accès à l'eau, du manque criant d'arrosage
pour assurer un développement harmonieux, efficace et durable des productions
maraichères. Les engrais livrés sont également peu adaptés à la terre ou aux
cultures et les semences de mauvaise qualité.
Au Ministère de la promotion de la femme : le constat du difficile accès à la terre
Rencontre au Ministère de la promotion de la femme |
Le Burkina Faso a adopté en 2009 sa "politique
nationale pour le genre". Lors de notre rencontre au Ministère de la
promotion de la femme, plusieurs enjeux sont soulevés, relatifs à la mise en
œuvre de cette politique au regard du projet de maraichage de la Région Centre.
Le Ministère dispose de représentantes dans chaque
région et chaque commune. Dans chaque ville, une Maison de la femme est créée
comme centre de promotion féminine, ayant vocation à rassembler les femmes, les
accueillir et développer des formations d'alphabétisation, de tissage, etc.
L'accès à la terre reste un enjeu déterminant. Le
Burkina a adopté une loi en 2009 qui visait à assurer aux femmes l'attribution
de 30% des terres. Pour cause, si ce sont les femmes qui travaillent la terre,
ce sont les hommes qui la possèdent. Selon le Ministère, la mise en œuvre de la
loi passera par la sensibilisation des femmes mais aussi des leaders coutumiers
et des chefs de village afin de faire évoluer la tradition qui attribue à
l'homme la propriété. Par ailleurs, l'organisation de coopératives favorise la
reconnaissance du travail des femmes dans la production maraichère locale. La
coopérative étant une structure égalitaire par essence.
Permettre aux femmes maraichères de sortir du secteur
informel et de pouvoir vivre de leur activité comme génératrice de revenus
reste une priorité.
Rencontre : les maraichères de la coopérative
de Tanghin témoignent
|
Rencontre et échanges avec les maraichères de Tanghin |
Une belle rencontre en cette matinée avec les femmes de la coopérative maraichère de Tanghin, un quartier de Ouagadougou, en présence des hommes responsables du secteur. Cette coopérative rassemble une majorité de femmes productrices (de feuilles essentiellement). Elles se sont réunies, malgré l'heure de l'arrosage des cultures, afin de nous faire part des avancées et des difficultés auxquelles elles sont confrontées au quotidien.
D'emblée le
manque d'eau est révélé comme problème majeur. Nous l'entendrons tout au long
de notre déplacement, de la part de chacun·e des acteurs et actrices. Les
femmes sont les premières concernées par cet enjeu. Elles doivent tirer l'eau
du puits, l'acheminer vers les cultures et assurer l'arrosage, alors que les
puits manquent et ne sont pas assez profonds.
L'accès aux
intrants (semences, engrais, etc.) est également remis en cause. La faiblesse
des revenus ne permet pas toujours d'investir dans ces derniers. D'où l'intérêt
de la coopérative, qui permet un meilleur accès aux crédits et des prix moins
élevés.
D'autre part,
la diversification de l'activité est nécessaire. A la saison sèche, lorsque les
cultures ne permettent plus de dégager de revenus, il faudrait pouvoir mettre
en place des activités complémentaires.
Enfin, les
femmes de la coopérative témoignent du manque de reconnaissance à leur égard.
Alors que du matin au soir elles travaillent dans les champs et organisent la
subsistance de la famille au quotidien, elles nous font part de leur sentiment
de ne pas être reconnues pour le travail réalisé. Il leur est également plus
difficile d'accéder aux crédits en tant que femmes.
Elles souhaitent pouvoir bénéficier des formations
proposées aux membres de la coopérative. Les hommes ont plus spontanément accès
aux formations, alors que ce sont les femmes qui sont dans les champs. Elles
souhaiteraient suivre des formations techniques ciblées selon les besoins, par
exemple sur les pesticides, les techniques de cultures, etc.
Le
point de vue du Directeur régional adjoint du Ministère de l'agriculture,
Julien OUEDRAOGO
Multiplier les
coopératives reste un enjeu majeur du développement de l'agriculture locale du
pays. Elles rassemblent des producteurs et productrices et mutualisent les
risques et les succès. Aujourd'hui, seul un·e produteur/trice sur dix est
membre d'une coopérative.
Rencontre avec Julien OUEDRAOGO, Directeur régional adjoint du Ministère de l'agriculture |
Le Ministère
souhaite agir sur plusieurs leviers :
- Concernant la problématique de l'eau, il relève que l'enjeu principal est la gestion de l'eau et le développement de nouvelles méthodes d'irrigation
- Il souligne la nécessité de penser la rotation des productions.
- Au sujet de la formation, il évoque la fixation d'un taux 40% minimum de femmes présentes avant d'aménager une parcelle pour sa culture. Il encourage ainsi l'accès des femmes à la formation comme gage d'efficacité de mise en œuvre. Il propose de développer des formations sur le compost biologique, à des fins d'utilisation et de production permettant ainsi de diversifier l'activité des femmes.
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