Brest est une ville qui a réussi sa reconversion culturelle !
En tant que citoyen et ex acteur culturel brestois, aujourd’hui en retrait, je souhaite intervenir dans le débat public pour m’étonner de la récente prise de position d’un « collectif d’artistes brestois » dans la presse.
Je m’étonne en effet, alors que j’ai impulsé et dirigé la Maison du Théâtre depuis 2000 – un projet qui a largement ouvert les portes de ce théâtre, non seulement aux jeunes spectateurs de Brest et de sa Communauté Urbaine, mais aussi aux artistes amateurs finistériens et aux jeunes créateurs de Bretagne – de n’avoir jamais reçu de sollicitations de la part de membres de ce collectif qui semble se réveiller d’une certaine torpeur à l’approche des élections municipales.
L’intervention de ce collectif dans le débat public est cependant intéressante parce qu’elle démontre que la politique culturelle n’est jamais achevée. Que l’on se reporte ne serait-ce que vingt ans en arrière à Brest : Le Quartz est à peu près la seule institution, avec la Bibliothèque, qui fonctionne de manière satisfaisante ; le Conservatoire et l’École d’Arts ont grand besoin de se réformer ; La Carène n’existe pas ; le Mac Orlan et le Stella sont deux salles de quartier vétustes que les artistes et le public ont désertées ; Passerelle n’est pas encore un Centre d’Art mais tout juste une petite association de plasticiens ; la Cinémathèque de Bretagne est encore à Saint-Brieuc ; et Le Fourneau commence à peine à exister sur le port de commerce… Hormis Jacques Pellen, Kristen Noguès, Paul Bloas ou Bernard Lotti, les artistes « brestois » n’ont que peu de renommée hors du territoire local… Jean-Christophe Spinosi n’a pas encore fondé l’Ensemble Matheus, et ni Herwann Asseh ni Christophe Miossec n’ont encore émergé.
Que de chemin parcouru à Brest en vingt ans ! Une réussite qu’aujourd’hui on plébiscite, qui est partout mise en évidence : Brest est une ville qui a réussi sa reconversion culturelle. Le nombre de manifestations, de festivals, de créations et d’initiatives artistiques est tel à Brest, qu’il est rare qu’il n’existe pas quatre ou cinq occasions quotidiennes de sortir, de découvrir des spectacles, des concerts, des films, des expositions, etc. Et le public afflue, de plus en plus nombreux et exigeant, aux propositions qui lui sont faites.
Si les Collectivités locales ont permis et accompagné ce développement culturel, qui ne concerne pas seulement le centre ville, mais aussi les quartiers à travers leurs équipements de proximité ou un festival comme Oups, c’est aussi parce que Brest a su accueillir et retenir, non seulement des acteurs culturels audacieux qui ont montré qu’ils savaient travailler ensemble et construire des partenariats, mais aussi de nombreux artistes de talent qui ont trouvé dans cette ville des conditions d’expression, des outils, des moyens et des institutions qui n’existent pas, loin s’en faut, partout ailleurs en France.
La Ville de Brest a compris depuis longtemps que la priorité en matière de développement culturel n’est pas de subventionner des initiatives isolées, aussi pertinentes soient-elles, mais de fonder des institutions solides et pérennes au service de la formation artistique, en appui aux initiatives des artistes et des porteurs de projets associatifs, au service de la population la plus large, de la ville, des communes limitrophes et bien au-delà. Aucune ville, quelle qu’elle soit, n’a les moyens aujourd’hui d’entretenir des équipes artistiques dont la réputation ne déborde pas ses limites territoriales et qui ont d’abord besoin de se structurer et d’être exigeantes avec elles-mêmes.
Ce n’est pas le métier du Maire ou de l’adjoint à la Culture de faire la programmation culturelle. A Brest, la Ville a nommé à la tête des équipements des professionnels compétents dont c’est le rôle d’organiser des programmations, de soutenir, d’accompagner, de former, d’être à l’écoute des projets artistiques et de ceux qui les portent. Il existe à Brest, en Finistère et en Région Bretagne, des dispositifs financiers pour l’accompagnement de la création, des réseaux pour faire circuler et diffuser les oeuvres, des partenariats et des solidarités artistiques entre compagnies… La moindre des choses, quand on veut prétendre vivre de ces métiers, c’est d’abord de se renseigner sur ce qui existe, à quelles aides on peut prétendre… Après, ce n’est jamais le politique qui donne le talent et la reconnaissance de celui-ci, mais bien l’inventivité et la force de conviction que les artistes mettent dans leurs projets et dans leurs créations.
Il est d’autres dangers qui menacent la création artistique et la vie culturelle dans nos villes : la remise en cause du régime spécial d’indemnisation du chômage des Intermittents du spectacle (que le Medef vient encore d’attaquer dans le contexte des négociations de l’Assurance chômage) ; la diminution des reversements de l’État aux Collectivités locales, qui risque de plomber pour quelques années les équilibres financiers des plus fragiles d’entre elles ; le risque de disparition des DRAC, et de leur capacité d’expertise, dans le cadre de la réforme de la Décentralisation…
Alors, de grâce, regardons les choses en face et, quelle que soit la liste qui sortira vainqueur des urnes aux prochaines municipales, insistons pour que la Ville (et bientôt la Métropole) de Brest ne relâche pas son effort en matière d’investissement culturel et d’accompagnement des acteurs qui y font vivre la culture au quotidien.
Yves Leroy
le 20 février 2014
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire