"Les Jetées", œuvre d'art de Didier Faustino - photo : Le Télégramme |
L’art contemporain est
traditionnellement dénoncé par la frange conservatrice et populiste de notre
société. Souvenez-vous des dénonciations récurrentes de l’opposition
brestoise à l’égard du Centre d’art passerelle.
Aujourd’hui l’œuvre visée est celle de Didier Faustino, « les jetées », participant de la démarche artistique du tramway. Ses détracteurs l’abordent sans beaucoup de courage, sous l’angle de la laideur. Le laid/le beau ; le bien/le mal, comme si la morale était notre sujet ?
En vérité, derrière ces discours qui flattent, les idées sont toujours les mêmes : il y aurait « trop de tout, trop de dépense publique, trop de création artistique, trop d’éducation sans doute aussi. Tout ceci ne servirait à rien. » Ces vieilles recettes, n’ont rien de moderne. Elles font appel aux réflexes réactionnaires, en cédant à la facilité de pensée. Elles font du marché et de l’investissement privé la seule clé de lecture des choix culturels. Et de la culture autorisée de bon goût - qui reste encore à définir - à la culture officielle, il n’y a qu’un pas. Un pas que les régimes autoritaires et les dictatures n’ont jamais hésité à franchir.
Aujourd’hui l’œuvre visée est celle de Didier Faustino, « les jetées », participant de la démarche artistique du tramway. Ses détracteurs l’abordent sans beaucoup de courage, sous l’angle de la laideur. Le laid/le beau ; le bien/le mal, comme si la morale était notre sujet ?
En vérité, derrière ces discours qui flattent, les idées sont toujours les mêmes : il y aurait « trop de tout, trop de dépense publique, trop de création artistique, trop d’éducation sans doute aussi. Tout ceci ne servirait à rien. » Ces vieilles recettes, n’ont rien de moderne. Elles font appel aux réflexes réactionnaires, en cédant à la facilité de pensée. Elles font du marché et de l’investissement privé la seule clé de lecture des choix culturels. Et de la culture autorisée de bon goût - qui reste encore à définir - à la culture officielle, il n’y a qu’un pas. Un pas que les régimes autoritaires et les dictatures n’ont jamais hésité à franchir.
De quoi s’agit-il avec l’œuvre
d’art « Les Jetées » ?
Brest a fait le choix d’investir
l’espace public d’œuvres d’arts. Plusieurs centaines d’œuvres jalonnent
aujourd’hui notre ville. Elles ne constituent pas des bâtiments, elles
s’inscrivent en lien et en dialogue avec une infrastructure (tramway, écoles,
maison de quartier, crèches, …). Mettre la créativité dans l’espace public,
c’est permettre à tous d’y accéder. Cette collection d’œuvres est gratuite,
permise à toutes et à tous à chaque heure du jour et de la nuit.
Oui ces œuvres sont
« inutiles », elles n’ont pas de taux de rentabilité, ni de retour
sur investissement. C’est pour cela qu’elles sont essentielles. Elles viennent
nous rappeler que dans notre société tout un chacun a sa place, indépendamment
de son taux de productivité. C’est un espace qui nous autorise.
Dans nos villes, créer des
espaces dédiés à l’imaginaire, relève de la nécessité publique. Aux côtés des
architectes, des commerçants, des habitants, des enseignants, des chef.fes
d’entreprises, …, les artistes doivent investir nos villes pour contribuer à
l’histoire commune. Artisans du sens et du sensible, ils sont essentiels pour
vivre la ville, ouvrir les horizons, nous interroger et nous interpeler.
Permettre le débat et la parole.
Le choix s’est opéré sur le sens de l’œuvre et le lien au territoire et à la
démarche engagée. Permettre le débat c’est aussi redire qu’à Brest, toutes les
esthétiques ont leur place. Nous tenons à la diversité artistique et culturelle
qui existe ici. Permettre la diversité, c’est prendre le risque du débat, de la
contestation, c’est déranger pour interroger l’existant, mais n’est-ce pas
finalement une nécessité publique ?
Depuis plusieurs décennies Brest
a fait des arts et de la culture une dimension incontournable de son
développement. Cette diversité artistique et cette richesse culturelle lui sont
aujourd’hui reconnue. En ces temps de réduction budgétaire, de montée des
populismes et des extrémismes, cette vitalité culturelle constitue le meilleur
rempart contre le rejet de l’autre. Brest est une ville ouverte aux autres, un
port qui accueille tous les métissages, et qui n’entend pas renoncer à cette
part d’humanité dans laquelle, les arts et les artistes sont essentiels.
Pour aller plus loin, l'interview de Didier Faustino dans © Le Télégramme du 14 mai 2016 :
Pour aller plus loin, l'interview de Didier Faustino dans © Le Télégramme du 14 mai 2016 :
Brest. L'auteur des "Jetées" défend son oeuvre
Photo : Le Télégramme |
Il est l'auteur des « Jetées », ces fameux
escaliers sans issue de la place de Strasbourg, à Brest, qui ont été
outragés par les auditeurs de « Carrément Brunet » sur RMC. Entre deux
projets à l'autre bout du monde, l'artiste Didier Faustino a accepté de
confier ses états d'âme au Télégramme.
Que vous inspire ce chahut autour de votre oeuvre, qualifiée de « verrue
d'or » par une émission de radio ?
Didier Faustino, concepteur des « Jetées » : « De but en blanc, ça me
désole un peu de revenir dans l'actualité brestoise sous cet angle-là.
Quels sont les critères de ce sondage ? Je ne comprends pas trop les
tenants et aboutissants. En général, quand on lance un débat, on essaye
d'être un peu plus pointus sur l'énoncé. Et puis, c'est très étrange de
se dire que ce n'est même pas moi, mais une ville qui est visée, montrée
du doigt. J'ai regardé ce qui était dit dans l'émission. J'ai découvert
un raisonnement très manichéen. On en connaît les ressorts. C'est noir
ou blanc. D'entrée de jeu, la question posée va dans un seul sens, et on
est dans un rapport à l'art et à la pensée qui est un peu daté ».
A lire aussi
Eric Brunet (RMC). «Je dis stop à la laideur urbaine»
Comment répondez-vous à ceux qui pointent l'inesthétisme, voire
l'inutilité des Jetées ?
« De façon générale, les sondages me semblent sans intérêt, ils
enfoncent des portes ouvertes. Oui, on est dans un monde avec différents
points de vue, et, oui, il y aura toujours des pour et des contre. En
l'occurrence, RMC s'est contentée d'interroger le beau et le moche, le
bon et le mauvais goût ; et, là-dessus, je n'ai rien à dire, car ce
n'est pas le sujet. Depuis le XXe siècle, la question du beau ne se pose
plus, car on a dépassé toutes les atrocités au cours de ce siècle. Moi,
ce qui m'intéresse, c'est comment on permet ou facilite l'occupation du
territoire public ».
Quelle était l'idée directrice ?
« Au départ, il y a une grande place minérale qui n'a pas vraiment
d'orientation, et qui est une résultante de plusieurs époques urbaines.
Ça m'intéressait de trouver l'axe plastique et d'usage que l'on allait
pouvoir amener à ce territoire complexe et difficile. J'ai proposé d'y
installer un élément structurant, qui capte l'attention et questionne le
public, en l'invitant à se l'approprier. Ce n'est pas un bâtiment mais
une proposition de territoire à usages, comme un complément
d'aménagement d'une place totalement vide et minérale. Dans ce désert,
de simples bancs ne suffisaient pas, il fallait apporter quelque chose à
l'échelle, tout en sachant qu'on ne pouvait pas lutter avec le
gigantisme de la place. Quand on pose ces préalables, on met de côté
l'ornemental ou le décoratif, et on trouve quelque chose qui invite au
rendez-vous, un lieu où les gens puissent stationner sans pour autant
être au milieu d'un vide. J'avais également identifié que cet espace
était l'un des points hauts de la ville. J'ai donc imaginé un départ de
quatre escaliers qui se rencontrent sur une petite place plus intime et
ces quatre escaliers se retournent pour aller se jeter sur Brest, avec
des points de vue sur la ville et sur la rade ».
Pensez-vous avoir réussi ?
« J'y suis allé vendredi dernier (6 mai), incognito, car cette histoire
m'a déstabilisé, et je suis quelqu'un de très engagé dans mon travail.
J'ai pu observer et interroger des jeunes qui s'y trouvaient. Ils m'ont
raconté qu'après cette histoire, la ville a fait disparaître les tags et
les mots d'amour laissés par les ados. Et aujourd'hui, la police fait
des rondes pour leur dire de ne pas stationner là trop longtemps. C'est
la négation absolue de ma proposition qui consistait à installer une
forme d'invitation à la rencontre. Je le répète : la fonction de cette
oeuvre est précisément de permettre l'occupation de l'espace public ».
RMC anime un débat mardi devant l'oeuvre. Y serez-vous ?
« Je ne serai pas là mais, de toute façon, je n'ai rien à y faire. Une
accusation a été posée et, après, il faudrait se défendre. Mais de quoi l’œuvre serait-elle coupable, de quoi l'artiste serait-il coupable ? On
parle d'un projet qui a été présenté, qui a été énoncé. Après, on peut
questionner la valeur de l'espace public dans les villes et, là, j'ai
des choses à dire, mais cette question n'a pas été posée. Est-ce que
l'artiste doit se justifier publiquement, et être cloué au pilori, à
chaque fois qu'il fait un acte ? Tout aménagement peut susciter l'accord
ou le désaccord, cela fait partie de l'acte créatif. La ville est faite
de réussites et d'incidents et le temps permet de jauger la valeur des
choses ».
© Le Télégramme - Plus d’information sur http://www.letelegramme.fr/finistere/brest/les-jetees-didier-faustino-defend-son-oeuvre-14-05-2016-11067217.php
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