jeudi 11 juin 2015

La Région Bretagne en Algérie



A l'occasion du Séminaire international « Regards croisés sur la conception des politiques égalitaires » je me suis rendue en Algérie du 26 au 30 mai pour partager l'expérience de la Région Bretagne avec les élues locales

Région Bretagne, l'enseignement de 10 ans de politique égalité f/h 

Le Conseil Régional de Bretagne s'est engagé depuis 2004 dans une politique d'égalité des droits entre les femmes et les hommes. Tout l'enjeu d'une telle politique est de couvrir l'ensemble du champ sociétal et de s’adresser autant aux hommes qu'aux femmes. L'égalité constitue un formidable levier d'action immédiate. Chacun·e peut se saisir, dans ses politiques, de la mise en œuvre de l'égalité au quotidien. Après plus de 10 ans de politique publique égalitaire, nous avons tiré quelques enseignements sur sa mise en œuvre réelle.



La volonté politique est le moteur et la condition inaliénable de l’égalité f/h. Au niveau d’une région, obtenir le soutien de l'exécutif régional et du Président de Région est indispensable pour engager les transformations nécessaires à l'égalité. Depuis la loi du 4 août 2014, l’État définit cette politique comme incontournable pour les collectivités territoriales. Il ne s'agit plus d'une option, mais d'un droit à appliquer.


La politique d'égalité entre les femmes et les hommes se situe au cœur des politiques de développement. Une société émancipée est une société où l'on reconnaît aux femmes et aux hommes les mêmes droits. Penser le développement d'une région ne peut se poursuivre en ignorant la moitié de sa population. Il implique de réinventer la place des femmes à droits égaux dans l'espace public, dans l'emploi, les transports, la formation, etc.

Agir en matière d'égalité nous amène en permanence à nous appuyer sur les expertises, recherches et nombreuses études sur le genre. Il ne s'agit pas ici de se justifier, tant nous tenons notre légitimité du suffrage universel, des droits acquis et des lois votées, fruits de mobilisations féministes. Pour agir, il convient de se baser sur l’état actuel des inégalités. 

Faire face aux résistances 

Or, les résistances pour reconnaître la place des femmes à égalité de celle des hommes restent très fortes dans toutes les sphères de la société. Ces résistances sont les mêmes de par le monde. Les femmes, bien que parties prenantes dans le développement de nos sociétés, restent fortement discriminées en Algérie, en France et ailleurs sur la planète. D’où l’importance, pour les élues que nous sommes, d’échanger et de partager nos expériences lors de temps forts comme celui-ci. Être élu·e, c’est aussi agir en faveur du partage du pouvoir entre femmes et hommes.

Agir pour l'égalité, c'est rappeler que les droits des femmes ne relèvent ni d'une opinion, ni d'une option. Il ne s'agit pas d'être pour ou contre. Nous parlons ici de droits inscrits dans les compétences régaliennes des collectivités, au même titre que la politique des transports, de l'urbanisme, du sport, de la culture ou du développement économique.


Se donner les moyens d’agir 

Sur cette base, un budget spécifique et transversal a été adopté et des moyens humains engagés. La Région Bretagne a ainsi pu développer une politique globale et transversale d'égalité f/h, autour de plusieurs axes : 

1) Mutualiser les forces 

Le premier axe a consisté à fédérer les énergies et les expertises au sein d'un Conseil pour l'égalité entre les femmes et les hommes en Bretagne (CpeG). Ce conseil regroupe aujourd'hui plus de 700 membres, issu·e·s des mondes économique, politique et social, de la formation, des associations, des institutions, des cabinets d’expertise, de la recherche, etc. Le CpeG représente la société civile bretonne se mobilisant pour l'égalité. Il travaille sur des thématiques variées telles que la lutte contre les violences, l'emploi des femmes, la parité, les femmes migrantes, les politiques publiques, etc. Tous les deux ans, il prépare la Biennale de l’égalité. Cet évènement pour tou·te·s rassemble, sur deux jours, les acteurs et actrices de l’égalité f/h de Bretagne et d’ailleurs, et met en lumière leur travail au quotidien. 

2) Sensibiliser et former 

Le second axe est celui de la sensibilisation et de la formation des agent-e-s de la Région à l'égalité des droits f/h. Il est la colonne vertébrale de la politique égalité. Comme point de départ, l'ensemble des compétences du Conseil régional a été interrogée sous l'angle du genre.

Sensibiliser et former à l'égalité, c’est permettre à chacun·e de s’emparer de ces questions et agir en conséquence. Pour commencer, c’est revenir sur la réalité statistique des inégalités pour mieux les identifier, évoquer les rapports de domination, les stéréotypes sexistes, etc.

Cas concrets

L'approche sexuée de nos statistiques dans le domaine des transports nous a permis, par exemple, de remarquer que les bretonnes utilisent davantage les trains express régionaux que les bretons. L'explication est simple : lorsqu’un couple f/h possède une voiture, c'est majoritairement l'homme qui en dispose. La femme utilise alors plus fréquemment les transports en commun. Cette constatation nous a amené, après étude, à modifier et adapter les horaires des trains en fonction des besoins de ces femmes.

Un autre exemple de déclinaison du genre dans la politique régionale au travers de l'enjeu du développement économique est le suivi des licencié·e·s du Groupe DOUX. Il y a 2 ans, la Bretagne a connu de fortes difficultés dans le domaine de l'agroalimentaire, première industrie bretonne. Face aux centaines de licenciements, la Région a souhaité apporter son soutien. En introduisant une approche genrée dans le processus de reclassement, nous avons découvert que parmi les 400 salarié·e·s licencié·e·s en 2013, 66 % étaient des femmes.

Nous avons alors engagé une double démarche : tenir compte de leur situation professionnelle mais aussi de leur situation personnelle en tant que femmes. Beaucoup d’entre elles doivent concilier leur recherche d’emploi avec des contraintes telles que la garde d'enfants, la responsabilité de parents âgés, l’absence de véhicule pour se déplacer, etc. Nous avons tenu compte de tout ce qui fait leur quotidien afin de lever les obstacles et résistances propres à leur genre face à de nouvelles perspectives d’emploi.


Nous avons également travaillé avec elles pour élargir le cercle de leurs possibles en matière d'emploi. Traditionnellement, il leur est proposé un reclassement dans le même secteur d'activité (agroalimentaire) ou vers des emplois traditionnellement  féminins (employé·e de caisse, services à la personne, etc.). Nous leur avons présenté des métiers et secteurs d'activité différents, où les perspectives d'emploi sont meilleures, tels que le tourisme, la logistique, l'agriculture, etc.

Du début à la fin, nous avons associé à cette démarche tou·te·s les acteurs et actrices du territoire concerné·e·s : les collectivités locales, les acteurs et actrices du reclassement, les entreprises privées, etc.


Notre principal défi, à présent, est de développer une approche intégrée de l'égalité. L'idée est d’aller au-delà de l’engagement personnel de certain·e·s élu·e·s, agent·e·s et citoyen·ne·s. Il s’agit à présent d’ancrer l’égalité de façon pérenne dans chacune des compétences de la Région : dans chaque budget, dans chaque décision, dans chaque comportement.

Quand le privé devient politique 

Les violences exercées à l'encontre des femmes constituent une résultante intolérable des inégalités f/h. C'est peut-être la plus difficile à gérer, tant il est révoltant au XXIème siècle de devoir encore la combattre, tant elle touche à l'intime. Elle relève le plus souvent de la sphère privée, mais c’est toute la société qui est touchée. La politique se doit de dénoncer l'inacceptable.

C'est au nom de cette responsabilité politique que la région Bretagne s'est engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Après une enquête qualitative sur l'ensemble de la région en 2007, nous avons choisi d’intervenir en priorité auprès des entreprises et des jeunes.

Nous avons notamment monté le dispositif Karta, qui permet aux lycéen·ne·s de Bretagne de porter des projets autour du respect filles/garçons, de la lutte contre les violences ou encore de l'orientation sexuelle. Aujourd'hui, ce sont, chaque année, plus de 120 projets portés par les jeunes et soutenus financièrement par la Région.


 A suivre...

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